Lumière noire
auteur : Driller_killer
dernière modification le 2021-06-03 14:07:58
Il marchait quand c'est arrivé. Il pleuvait aussi. Et il pleurait lui.
La nuit était noire et le ciel d'encre. Vêtu uniquement d'un pauvre t.shirt alors que les températures avoisinnaient les cinq degrés, le jeune homme frissonait. Il pleurait et frissonnait donc. Personne d'autre que lui ne marchait dans la rue. Sur le pont. Sur le sentier de la forêt. Seul. Il était seul. Et il ne lui fallut rien d'autre pour que l'ombre qui dormait en lui ne s'éveille quand la silhouette s'est dessinée au bout du chemin, sous le lampadaire qui répandait une lumière douce et faible.
Le garçon ne réfléchit pas une seconde. Juste à cette chose qui dérangeait son paysage, son endroit, son espace, sa tête. Un moucheron. Une merde. Une tache à éliminer. Pas de lumière pour cet ange noir.
Il se rua sur la personne qui ne faisait que prendre l'air avant d'aller se coucher. En courant, soufflant et bavant, la bouche ouverte et les yeux d'ébène, il sortit son petit canif. Et sans même laisser une chance de fuir à la personne postée sous le lampadaire, qui le regardait sans imaginer un instant que son dernier souffle était en suspens dans l'air froid, il sauta dessus.
L'homme bascula et tomba. Dans ses yeux se lisait une incompréhension, une susprise, une peur même. On pouvait y lire la mort.
Il avait de quoi avoir peur ; le regard de l'adolescent assis sur lui était vide, remarqua l'homme presque mort avant de recevoir la lame dans la poitrine. Le cri qui suivit vrilla les oreilles du jeune homme, ce qui le mit encore plus en colère. Cette fois ses yeux s'animèrent de vie, de haine, d'envie...
Envie de voir mourir cet homme. De prendre sa vie. De le posséder. La posséder. Les deux. Oui les deux.
Et il martela le corps de l'homme, encore et encore, jusqu'à ce que le sang qui coulait en petit ruisseau, mélangé à l'eau de pluie, ne forme plus qu'un mince sillon rougeâtre, un chemin vers les enfers. Les veines de la Terre.
Les yeux de l'homme s'éteignirent mais restèrent ouverts, ce qui ne plut pas au garçon. Il les creva donc.
-Ces putain de putain d'yeux de merde ! hurlait-il en enfonçant et enfonçant encore la lame noire de sang dans le crâne du défunt. A la fin de cette purification, il ne restait rien d'humain sur la chose inerte et morte sous le lampadaire. Juste la mort.
L'adolescent reprit son souffle en se relevant. Il resta devant le corps, son oeuvre, pendant quelques minutes avant de reprendre la route. Il ne comprenait pas. Il ne pleurait plus et les nuages noirs dans le ciel se déchiraient pour laisser passer de minces rayons de soleil.
La lumière... La lumière. C'est ça ! se dit le jeune homme en courant vers elle, à nouveau les yeux larmoyants, en proie à une détresse profonde qui lui martelait le ventre et le coeur. Regrets. Pas de retour en arrière.
Il courut longtemps, sans s'arrêter, sans moduler sa respiration, sans regarder où il traversait, essuyant des coups de klaxons enragés et des hurlements apeurés.
Etait-ce son T.shirt maculé de sang qui faisait réagir ? Peut-être. Il s'en foutait. Il devait aller vers la lumière. Elle le réchaufferait. Là, il irait mieux. Il sentait que l'ombre prenait de plus en plus de place chaque jour.
L'adolescent se retrouva enfin seul, chez lui, après avoir subis les soupirs de papa et les regards agacés de maman. Enfermé dans sa chambre, il se déshabilla, se contempla dans la glace accrochée au mur de sa chambre et sourit. Puis pleura. Puis sourit encore. Il éclata de rire puis se roula en boule par terre, en hurlant de désespoir. Son corps maigre se blessant au contact des échardes de bois qui dépassaient du parquet.
Les coups sur le sol montrèrent l'énervement de ses parents. Les cris montrèrent de nouveau la violence.
Les menaces s'éxécutèrent.
Gifles.
Pieds.
Poings.
Ceinture.
TROU NOIR.
Retour à la normale.
La lumière le réconfortait. Il se mit à la contempler, longuement, sans jamais cligner des yeux. Un de ses rituels pour rester sur terre.
La journée passa. La nuit tomba. Il marcha longuement. Rue, sentier, pont, rue... Lampadaire. Et là, deux ombres noires. Le jeune homme inspira. S'arrêta. Observa.
Il luttait. Luttait si fort. Sa tête lui faisait mal. Si mal.
TROU NOIR.
Le soleil se leva. Et le jeune garçon observa les deux corps inertes sous le lampadaires. Le corps de ses parents qui étaient partis à sa recherche. Pour une fois... pensa-t-il.
Il s'assit côté d'eux, et éclata de rire, laissant les larmes inonder ses joues. Libération.